Une colère française
Gulgun Gunal | 2020, Fontainebleau
Mouvement des Gilets jaunes
Le mouvement des « Gilets jaunes » est apparu à la suite de la hausse des prix du carburant due à l’augmentation par le gouvernement de la taxe sur la consommation intérieure.
Au cœur de ce mouvement se trouve la recherche d’un autre système qui sera la réponse et la solution aux problèmes croissants de subsistance de la classe moyenne, qui est en train de disparaître dans le pays, et le désir d’amener au pouvoir une nouvelle de gouvernement qui verra cela.
Chaque samedi depuis le 17 novembre 2018, les « Gilets jaunes » sont descendus dans la rue, occupant des ronds-points et manifestant dans tout le pays pour protester contre la hausse des prix du carburant. Selon le département de recherche de Statista, le nombre de participants aux manifestations des « Gilets jaunes » entre novembre 2018 et juin 2019.
Mouvement sans structuration hiérarchique
Contrairement aux manifestations traditionnelles coordonnées par les syndicats, les « Gilets jaunes » ont développé leurs protestations à travers les médias sociaux (Facebook, Twitter, YouTube) ou des plateformes privées sans aucun corps intermédiaire. Ce mouvement n’était ni structuré ni centralisé, et ses revendications se sont multipliées au fil du temps ; comme l’amélioration du standard de vie de la classe moyenne, le rétablissement de l’impôt sur la fortune, la démission du président Macron, le RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) etc.
L’engrenage de répression et de violences
La police a fait un usage disproportionné de la force à une échelle sans précédent contre le mouvement des « Gilets jaunes ». De nombreux gilets jaunes n’avaient jamais manifesté jusque-là. Tout d’abord, la découverte de la puissance de la répression à la suite d’une confrontation directe avec les forces de l’ordre, devenues l’objet de la haine et l’incarnation de la violence d’État, a été une surprise ! L’exposition au gaz, le fait d’être visé par des flash-balls/balles-plastique, ont provoqué une forme de radicalisation.
Des concerts, des festivals de musique, des musées, des théâtres et d’autres lieux culturels dans les zones métropolitaines ont été fermés, reportés ou annulés par mesure de précaution en raison des manifestations. Le ministère de l’intérieur a reporté certains matchs du championnat de France de football afin de s’assurer que la police est parfaitement préparée aux manifestations des « Gilets jaunes ».
Pendant les manifestations, de nombreuses marques, restaurants et voitures ont été la cible de violences lors de rassemblements à Paris. Des barricades ont été érigées sur les Champs-Élysées puis incendiées, des arrêts de bus, des vitrines de magasins brisées, des véhicules, des kiosques brûlés, du mobilier urbain endommagé. Les dégâts sont estimés à des centaines de milliers d’euros. Selon le groupe Vinci Autoroutes, à la mi-décembre 2018, les dégâts sur l’ensemble du réseau français s’élevaient à » plusieurs dizaines de millions d’euros « . Entre le début du mouvement et janvier 2019, plus de 60% des radars automatiques de contrôle routier ont été peints, vandalisés et détruits par les « Gilets jaunes ».
Gilets jaunes et violence
Au début du mouvement, la violence était acceptée car elle était considérée par la population comme une expression compréhensible et profonde du désespoir. La majorité a compris que ces personnes étaient poussées encore plus violemment aux limites de leur statut social. Cette empathie s’explique aussi par le fait qu’il y a souvent pénurie de ruraux, d’un certain âge, voire de familles.
D’autre part, la violence crée une sorte d’addiction, elle produit de l’adrénaline. Avoir le sentiment de marquer l’histoire dynamise et donne un statut. Se défaire de cette situation sera douloureux…
Mais le recours à la violence est toujours un calcul risqué, à un moment donné contre-productif. Le seuil de légitimation de la violence d’un mouvement social est toujours multifactoriel. Dans le cas des « Gilets jaunes », la persistance et la répétition des manifestations ont provoqué une lassitude de la pensée qui s’est progressivement retournée contre le mouvement. Le manque de distance entre les « Gilets jaunes » et les vandales a conduit à une condamnation publique de la violence. En particulier, la destruction et le pillage de l’Arc de Triomphe ont suscité une profonde tristesse et une grande colère dans la société.
Le grand débat national
Face à l’ampleur de ce mouvement, le gouvernement renonce à l’augmentation de la TICPE. Emmanuel Macron explique alors les mesures approuvées par la loi sur les mesures d’urgence économiques et sociales, puis lance le grand débat national et annonce enfin la réduction des impôts et la restructuration des petites retraites, notamment pour la classe moyenne. Mais ces améliorations n’ont pas mis fin au mouvement. Dans tout le pays, et surtout à Paris, les protestations ont continué sous différentes formes chaque samedi.
Les institutions intermédiaires sont constituées de toutes les couches de la société civile qui organisent et représentent les aspirations, les intérêts et les passions collectives. C’est un monde intermédiaire entre le peuple et le pouvoir politique. Ce que les « Gilets jaunes » révèlent, c’est ceci : Cette croyance profondément ancrée dans la nécessité de s’appuyer sur des porte-parole naturels parce qu’ils ne nous permettent pas de « connaître » les conditions sociales, c’est TERMINÉ ! Désormais, nous porterons nous-mêmes la parole. Nous ne donnons plus notre voix à une organisation, nous donnons une voix !
Ce qui est profondément remis en question dans la crise des « Gilets jaunes », c’est la façon dont les syndicats voient et comprennent le monde.
Conséquences du mouvement des « Gilets jaunes »1
Onze personnes ont été tuées lors des manifestations et un décès est survenu lors d’une manifestation près du domicile de la victime. Plus de 4 000 personnes ont été blessées dans des affrontements entre manifestants et policiers, dont certaines très gravement. Selon les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, en sept mois, la police a procédé à 12 107 arrestations et 10 718 personnes ont été interpellées dans le cadre du mouvement des « Gilets jaunes » en France. Environ 2 000 condamnations ont été prononcées. De nombreuses affaires ont été classées sans suite. Au niveau politique, la défiance a entraîné une baisse de la popularité des dirigeants français au pouvoir.
Bien que les manifestations des « Gilets jaunes » se soient poursuivies de temps à autre, avec le début de la pandémie de Covid-19, elles ont été interrompues par la première décision de confinement (sanitaire) du gouvernement en 2020.
Aujourd’hui, certains sont prêts à enfiler des gilets jaunes ou à rejoindre un grand mouvement national, tandis que beaucoup se sont tournés vers une autre alternative pour obtenir ce qu’ils réclamaient autrefois dans la rue : l’élection présidentielle de 2022 !
Il s’agit de mes observations personnelles sur le mouvement des « Gilets jaunes », que j’ai photographié presque chaque samedi pendant un an, depuis son début.
Footnotes
- Source: CNEWS